HISTOIRE
&
GENEALOGIE
de
CEBAZAT (Puy-de-Dôme)

   

 

 

CEBAZAT HISTORIAPOPULATIONPATRIMOINEGENEALOGIE

Naître à Cébazat au XVIII et au XIXe siècles

Entre 1693 et 1740, Cébazat compte en moyenne 52 naissances par an. Si cet acte est semble-t-il le plus naturel du monde , il présentait à cette époque de nombreux risques. La plupart des femmes ne pouvaient se reposer durant les dernières semaines de grossesse et travaillaient aux champs ou à la maison jusqu'à l'accouchement. Peu d'enfants survivaient aux naissances prématurées et si l'enfant se présentait mal, alors la mère et l'enfant étaient le plus souvent en danger de mort. 

Et quand par chance, le village en possédait une, la sage-femme aussi appelée femme-sage, matrone ou accoucheuse, avait donc un rôle crucial, un rôle médical, social et religieux qui la rendait aussi importante que l’instituteur, le médecin ou le curé.

La première sage-femme connue de Cébazat s’appelle Jeanne GOURGUY dite Gourine qui décède en 1696 à l’âge de 75 ans. A cette époque, leur formation médicale est très succincte et leur ignorance en cas de difficultés causait des dommages souvent irréversibles et mortels pour le mère et l'enfant.
Il faudra attendre le milieu de XVIIIe siècle et l’action d’une auvergnate, Mme DU COUDRAY, pour que les sages-femmes de toute la France accèdent enfin à un enseignement de leur profession.

Les enfants "ondoyés" par la sage-femme

Les sages-femmes étaient choisies pour leurs bonnes mœurs et leur bonne éducation chrétienne. En effet, elles avaient l’autorisation de baptiser le nouveau-né en danger de mort et pour cela, elle devait être « suffisamment instruite » comme le contrôlait d'ailleurs l’évêque à chaque visite paroissiale qu’il faisait.

Nous trouvons plusieurs cas de baptêmes par la sage-femme dans les registres paroissiaux de Cébazat. L’enfant était alors « ondoyé », et s’il survivait, le curé suppléait à la cérémonie dès qu’il le pouvait.
Ainsi, en 1706, Louis DESMARTINS est « baptisé par la sage femme à cause du péril où il étoit » puis baptisé par le curé le lendemain.
En avril 1707, François ANGLADE est « baptisé sur le champ par la sage femme à cause du danger ».
En janvier 1709, Rose SIMONET « fut baptisée par la commère sage » et le lendemain, le curé a confirmé le baptême.

Les femmes mortes "en couches"

S’il arrivait que le nouveau-né soit en danger de mort, la survie de la mère était, elle aussi, trop souvent compromise. Les femmes décédées en couches n’étaient pas rares. On estime que 5% des femmes décédaient en couches.
Par exemple à Cébazat en 1701, Gilberte JACQUO âgée de 26 ans et épouse de Jacques ESTIER, décède 24 h après la naissance de son fils.

En 1714, Antoinette MIGNARD âgée de 30 ans, épouse d’Antoine GROSGRAIN décède un jour après la naissance de sa fille baptisée d’ailleurs à la maison.
En 1734, une fille posthume de Victor SIMONET est ondoyée puis décède.  Sa mère Michelle FREDET âgée de 31 ans ne lui survivra que de trois jours.

Des césariennes

La possibilité pour la sage-femme de baptiser l’enfant en cas de danger de mort se justifiait par le désir impératif de sauver la vie spirituelle de l’enfant en lui administrant les sacrements qui lui assureraient une vie éternelle.
Il n’est pas rare alors de constater ce qui semble être des abus sur l’état des nouveau-nés déclarés vivants lors de la naissance.
Dans les registres de Cébazat, nous trouvons par exemple une césarienne pratiquée en 1720. La mère n’avait évidemment aucune chance de survie et il est fort probable qu’elle fut déjà morte avant l’opération. L’enfant ne survivra qu’une demi-heure.
Voici ce qu'indique l'acte
"Gilbert Rigaud fils légitime de Jean et d'Anne Fredet de la
quelle il est sorti par l'opération ceasarienne a été baptisé
par moy soussigné dans la maison dud(it)Rigaud et les cérémonies
ont été supllées à l'église par Mr Chirent mon vicaire ce
troisième janvier 1720. (...) Led(it) enfant est décédé une
demy heure plus tard"

L'acte de décès d'Anne FREDET suit, elle avait 35 ans.

Des triplés et 2 fois des jumeaux !

Quelques naissances remarquables peuvent être signalées à Cébazat. Par exemple, Jamette MOREL mariés en 1753 avec Antoine DESMARTINS  donne naissance à des jumeaux en 1754. Les enfants ne survivront pas. En 1761, le couple aura de nouveau des jumeaux, un garçon et une fille qui décèderont à 5 jours.
Les triplés sont cependant plus rares mais contrairement aux jumeaux, ils n'avaient aucune chance de survie. Cependant,  Marie BOIGE épouse de Michel CHAPON accouche de 2 garçons et d'une fille le 10 juin 1751. Les registres ne donnent pas de nouvelles de Martine, la petite fille, Etienne son frère décède le 28 juin et Jacques son autre frère décède le 10 août. Survivre durant 2 mois est assez exceptionnel pour des triplés à cette époque.

Le serment des sages-femmes

Comme nous l’avons vu, la sage-femme était choisie pour sa conduite et son éducation parfaite. Celle-ci devait aussi prêter serment devant le curé avant de pouvoir assumer sa tâche.
Par ce serment, existant déjà au XVIe siècle, la sage-femme s’engageait à assister de son mieux la mère et l’enfant sans entreprendre aucune initiative médicale en cas de danger imminent mais à toujours se référer à l’avis d’un médecin, de ne divulguer aucun secret de famille et de ne jamais agir avec la moindre rancœur ou vengeance personnelle au sein des foyers qu’elle visite.
Ainsi, le 7 décembre 1728, Marie SANNEYRE est choisie pour devenir sage-femme à Cébazat après un examen (sans doute médical) assuré par le chirurgien BOUNIN de la commune, par plusieurs femmes de la commune et après avoir attesté d’une formation professionnelle dispensée par la Dame NOELAS de Clermont. 

Voici le contenu de cette mention que l’on trouve écrite dans les registres paroissiaux de Cébazat.

Retranscription
« Aujourd’huy septième décembre 1728, Marie Sanneyre femme à
Claude Japille s’est présentée à nous pour être reçue à la fonction
d’accoucheuse et après l’avoir faite exminer par Mre Jean Bounin
chirurgien juré en cette parroisse et par Melle Marguerite Bourdige
Jeanne Frezet femme à Nicolas Fleury et autres à ce entendue et après le
certificat de la Dame Noelas de Clermont qui a fait plusieurs leçons à
lad(ite) Sanneyre, nous luy avons fait de notre part les questions qu’elle
doit sçavoir pour acquitter dignement et l’avons trouvée propre
pour excercer cette fonction en avant de l’admettre nous luy avons
fait prêter le serment en ce cas requis en la forme suivante.
Je Marie Sanneyre promets à Dieu le créateur tout puissant et
à vous ,Monsieur, qui êtes mon curé, de m’acquitter le plus fidèlement
et diligemment qu’il me sera possible de la charge que j’entreprens
maintenant d’assister aux femmes de cette paroisse et autres où je serais
appellée en leurs enfantemens ; et de ne permettre volontairement
par ma faute que ny la mère ni l’enfant encourent aucun
inconvénient et où je jugeray quelque péril éminent de ne rien
entreprendre de moy même mais du conseil et aide des
chirurgiens et autres femmes, lesquelles je connoittray les plus
entendues et expérimentées en cette matière. Je promets d’être fidèle
et secrette et de ne révéler les secrets des familles. Et surtout
de n’user d’aucun moyen illicite sous quelque prétexte que ce soit et
que je ne fairay et ne metray rien de ce qui sera de mon devoir à l’égard de qui
que ce soit par vengeance ou autrement ; mais de m’en acquitter en
femme de bien, véritablement chrétienne et catholique et de se
procurer en tout et partout le salut corporel et spirituel tant de
mère que de l’enfant. Ainsy Dieu me soit en aide.
Ladite Sanneyre a déclaré ne sçavoir signer non plus que ladite
Frezet et autres ladite delle Bourdige a signé avec nous et led(it) Sieur
Bounin lesd(its) jour et an.

Bourdillon curé de Cébazat
H Bourdige
Bounin chirurgien guret * »
*guret = juré

 

 

 

 

 (png - 1803 Ko)

 

Angélique Marguerite le BOURSIER du COUDRAY
Cette auvergnate née vers 1712 à Clermont apprend le métier de sage-femme à l'Hôtel-Dieu de Paris.
Elle pratique dans la capitale jusqu'en 1755 puis vient s'installer à Thiers.
Elle découvre alors les conditions précaires dans lesquelles se déroulent les naissances dans les campagnes et décide d'enseigner "l'art des accouchements" aux femmes mais aussi aux médecins qui le souhaitent. La vie de cette femme et de son œuvre remarquable sont détaillées sur le site des Archives Départementales du Puy-de-Dôme

 

 

Quelques sages-femmes de Cébazat

* Jeanne GOURGUY dit Gourine qui décède en 1696 à l’âge de 75 ans.
* la commune compte 2 sages-femmes en 1698
* Gilberte Paud qui décède en 1710
* 1 sage-femme en 1721
* Marie SANNEYRE de décembre 1728 et au moins jusqu'en 1747 
* 2 sages-femmes en 1739
* 1seule en 1775 qui est sans doute Jeanne CHAMPDIAL connue en 1776
*
Françoise CHABASSIERE en 1805 , date de son décès
* Antoinette DROUILHAT est sage-femme en 1805 ainsi qu'en 1811
*
Jeanne ARNAUD exerce en 1811
* Anne AMY et Gilberte LAURENT en 1836 , cette dernière exerce au moins jusqu'en 1841

 

La mortalité infantile

Il est difficile d'effectuer des analyses démographiques des siècles passés car les données manquent de précisions. En effet, de nombreuses lacunes peuvent exister : registres endommagés ou détruits, absence temporaire du curé ou de la famille qui entraîne l'absence d'enregistrement des décès ou des naissances, négligence des familles ...
Ainsi, les décès "perdus" surtout d'enfants en bas âge pouvaient être importants. De plus, l'âge du défunt n'est pas toujours porté sur le registre.

Tous ces raisons nous appellent donc à la prudence en ce qui concerne l'étude démographique . Cependant, nous pouvons observer quelques faits significatifs dans les registres paroissiaux de Cébazat.
L'étude menée sur les années 1752 à 1761 révèle que Cébazat compte une moyenne de 50 décès déclarés par an et que plus de la moitié des personnes décédées sont des enfants de moins de 10 ans.

année décès enf <10 ans 
1752 34 13
1753 50 32
1754 24 16
1755 48 31
1756 41 23
1757 62 26
1758 48 31
1759 33 18
1760 89 41
1761 78 36

Sur les 10 années étudiées, nous comptons 507 décès dont 267 enfants de moins de 10 ans ( 53.9 %) comprenant 201 enfants de 2 ans et moins .

La mortalité infantile est donc considérable et si l'année 1758 n'est pas exceptionnelle quant aux proportions observées, elle l'est pour le nombre importants d'enfants ondoyés.
7 enfants sont morts à la naissance et 3 femmes sont mortes en accouchant, contre 1 ou 2 ondoiements les autres années.
Ci-après la mention d'une césarienne effectuée par Jean Benoit GIRARD chirurgien de Gerzat le 13 août 1758. La mère Jeanne PIOCHE, donc l'acte de décès précède celui de sa fille, avait 25 ans.
 

 
Ad63-BMS Cébazat-1752-1771-vue266

"est décédée demi heure après la mère le meme jour
une fille de la susd(ite) Jeanne et du susd(it) Gilbert
Lecourt selon qu'il nous a été certifié par
le Sr Jean Benoit Me chirurgien de
Gerzat qui a fait l'opération cezarienne à la
susd(ite) Jeanne Mioche. L'enfant a été enterré le
même jour (...)"

 

En 1757, Cébazat n’a plus de sage-femme depuis plusieurs années. La commune reconnait son manque de moyens pour se procurer un tel service que les habitants ne peuvent pas s’offrir non plus. Or cette année-là, le conseil municipal apprend qu’une Dame du COUDRAY de Clermont offre de former gratuitement une femme de chaque paroisse au métier de sage-femme. Il demande, avec l’avis de Mr le curé, de choisir « le sujet assez intelligent et capable de remplir les fonctions de sage-femme ». Celle-ci sera nourrie par la commune le temps de sa formation et recevra une somme de 40 livres par an à condition qu’elle s’engage à assister les femmes les plus pauvres gratuitement.

Retranscription  

« … depuis longtemps la paroisse est dépourvue d’une sage-femme : que dans le besoin, il est peu d’habitants en état de s’en procurer des villes voisines. Cette ressource quoique résolument nécessaire, constitue à de trop grandes dépenses pour qu’on puisse en faire usage. L’état de misère des habitants les réduit à se refuser un secours si pressant. De là dérive des malheurs et des accidens sans nombre, et d’autant plus fâcheux qu’ils produisent l’affliction dans tous les cœurs. On a vu avec douleur la mort de plusieurs enfans sans baptême, celle de plusieurs femmes qui n’auroient peut être pas éprouvé ce sort si le secours ne leur avoit manqué. Et plusieurs autres inconvénients qui en sont les suites funestes. Combien est-il intéressant à la paroisse de s’attacher à prevenir de tels accidents ?
Jusqu’à présent on a été dépourvu de moyens capables de se procurer une sage-femme entendue. Mais en voicy un, ont dit les consuls, qui assurent le succès de l’entreprise ! Il y a à Clermont Madame du COUDRAY dont l’expérience fonde la réputation, et qui excitée par les bienfaits de Monseigneur l’Intendant, offre d’instruire gratuitement une femme de chaque paroisse, dans l’art d’accoucher ; c’est Monseigneur l’Intendant dont le zèle et la charité pour le public font l’objet des plus sages méditations et qui favorise ces desseins.
Il seroit donc question de faire choix d’un sujet assez intelligent et capable de remplir les fonctions de sage-femme, et de pourvoir à sa nourriture pendant le tems qu’elle employera à ces instructions. Il conviendroit aussy, de l’agrément de sa Grandeur, de lui fixer chaque année une certaine somme à prendre sur les patrimoniaux, non seulement pour lui donner de l’émulation, mais aussi pour l’assujétir à accoucher les pauvres gratis.
Ces réflexions ont paru judicieuses à toute l’assemblée, laquelle en conséquence a délibéré d’une même voix, sous le bon plaisir de Monseigneur l’Intendant, que les consuls en charge la présente année, se concerteront avec M. le curé de la paroisse pour faire choix d’un sujet de bonnes mœurs et propre aux fonctions de sage-femme. Qu’il sera pourvu sur les fonds patrimoniaux à sa nourriture pendant le tems qu’elle employera à se faire instruire dans les arts. Qu’il luy sera payé chaque année par le Receveur des Patrimoniaux la somme de quarante livres pour lieu de gages à la charge par elle  d’accoucher les pauvres gratuitement »

Nous ignorons quelle femme sera choisie pour devenir sage-femme, mais en 1776, Jeanne CHAMPDIAL , sage-femme de Cébazat, sera effectivement payée 40 livres par an.

 
 


 
recueil d'enseignement de l'art des accouchements écrit en 1759 par Madame de COUDRAY (voir sur le site de la BNF)
 

 

   
     

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